Visite de la Maison Centrale de Poissy : rénovons l'existant plutôt que de déplacer les détenus.

7/24/20244 min lire

Le 26 juillet 2024, en tant que sénatrice des Yvelines, j’ai exercé mon droit de contrôle des lieux de privation de liberté en visitant la Maison Centrale de Poissy (MCP), accompagnée de ma collègue députée Dieynaba Diop. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de transparence , dans un contexte où la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ses conditions carcérales indignes.

Ces visites inopinées sont cruciales. Elles permettent non seulement de vérifier les conditions de détention, mais aussi de garantir la liberté d’information en ouvrant ces établissements à la presse. Dès notre arrivée, nous avons été accompagnés par l’équipe de direction, qui a répondu à l’ensemble de nos questions .

Des infrastructures à moderniser pour améliorer les conditions de détention

La Maison Centrale de Poissy, établissement exclusivement réservé aux hommes, compte 240 places, dont deux cellules inoccupées au moment de notre visite. Située dans un ancien couvent du XVIIe siècle, elle présente certains signes d’usure et un besoin évident de modernisation, notamment en ce qui concerne les sanitaires individuels et les douches collectives.

Si des rénovations ponctuelles ont été réalisées dans le quartier des nouveaux arrivants et des détenus en isolement, un programme plus ambitieux serait nécessaire pour améliorer durablement les conditions de vie des détenus et de travail des personnels pénitentiaires.

Nous avons relevé des améliorations à apporter en matière d’intimité dans les cellules : les toilettes, situées juste derrière la porte d’entrée, ne disposent pas encore de séparation complète. Un prototype de cabine testé par l’administration pénitentiaire nous a été présenté, mais pourrait être perfectionné pour mieux répondre aux necessités de confort et de dignité. Concernant les douches communes, certaines nécessiteraient des rénovations pour garantir de meilleures conditions d’hygiène et de fonctionnalité.

L’entretien de l’établissement représente également un défi, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets. La direction nous a expliqué qu’une attention particulière est portée sur ce sujet, bien que des efforts supplémentaires puissent être envisagés pour améliorer encore les conditions sanitaires et l’aération de certaines zones. À noter que l’espace dédié aux familles a récemment été rénové, offrant un cadre plus agréable pour les visites.

Un accès aux soins et aux communications à améliorer

Le service de santé dispose désormais d’équipements radiologiques permettant de limiter les transferts vers l’extérieur, ce qui représente une avancée notable. Toutefois, un renforcement des effectifs spécialisés en psychiatrie et addictologie serait bénéfique pour mieux accompagner les détenus ayant des besoins spécifiques. De même, une prise en charge plus structurée des détenus en perte d’autonomie pourrait être envisagée afin d’offrir un meilleur soutien, en complément du volontariat des autres détenus.

Un autre enjeu important concerne le coût des communications téléphoniques. Actuellement, un détenu doit débourser 20 euros pour 125 minutes d’appel vers un mobile en métropole, mais seulement 80 minutes pour joindre un proche en Outre-mer. Une réflexion sur une tarification plus équitable permettrait de favoriser le maintien des liens familiaux, qui jouent un rôle essentiel dans le processus de réinsertion. Il serait souhaitable que le ministère de la Justice réévalue ces conditions tarifaires pour les adapter aux besoins des détenus et de leurs proches.

Des initiatives positives en faveur de la réinsertion

Malgré ces lacunes, nous avons été agréablement surpris par l’offre d’activités proposées aux détenus. En lien avec les Jeux Olympiques, plusieurs équipements sportifs ont été installés dans les cours de promenade. Lors du passage de la flamme olympique à Poissy, une torche a même été transmise aux détenus, dont cinq ont couru 50 kilomètres en relais.

Par ailleurs, l’établissement met en place divers ateliers et formations : les locaux des CAP boulangerie-pâtisserie et cuisine en alternance sont spacieux et bien équipés. L’unité d’éducation était en cours de rénovation, portée par une équipe pédagogique engagée. Des entreprises locales offrent également des emplois rémunérés aux détenus, facilitant leur réinsertion future.

Ne pas céder à la spéculation immobilière : rénover plutôt que déplacer

Un débat récurrent concerne l’avenir de la MCP, située en plein centre-ville de Poissy. Sa localisation offre pourtant des avantages indéniables : un accès plus aisé aux familles des détenus et un maintien du lien avec la société. Pourtant, certains envisagent son déplacement en périphérie pour libérer du foncier, susceptible d’être exploité à des fins immobilières.

Je m’oppose fermement à ce projet. Il est urgent d’engager des rénovations en profondeur plutôt que de céder à la logique de spéculation foncière. Les détenus ont droit à des conditions de vie dignes et à une véritable politique de réinsertion.

Sortir du tout-carcéral : une urgence pour notre société

Enfin, cette visite rappelle la nécessité de repenser notre politique pénitentiaire. Construire plus de prisons ne résoudra ni l’insécurité ni la récidive. D’autres pays comme la Suède, la Finlande ou la Norvège ont su réformer leur système en mettant l’accent sur la réinsertion et la réduction des peines privatives de liberté. La France doit s’inspirer de ces modèles.

Ainsi, je m’oppose fermement à la construction d’une nouvelle prison à Magnanville, prévue en périphérie de la ville, à proximité d’un lycée et sur des terres agricoles. Ce projet va à l’encontre des impératifs écologiques et de l’aménagement du territoire, alors même qu’il est demandé de préserver les espaces naturels.

Il est temps de sortir de la politique du « tout-carcéral » et d’investir dans des alternatives crédibles : la prévention, la réinsertion et des peines adaptées. La dignité humaine et la sécurité publique en dépendent.